Le projet "A Tavola !" souhaite rendre la redirection écologique appétissante

Récits d'une prospective agricole et alimentaire avec et pour la biodiversité
Le 23 mai avait lieu à La Garance, Scène Nationale de Cavaillon (Vaucluse), l’événement de lancement du projet « A Tavola ! Récits alimentaires d’une prospective agricole avec et pour la biodiversité », durant le Festival « Confit ! » qui mêle théâtre et art culinaire.
Imaginée et animée par Floriane Facchini, directrice artistique et performeuse culinaire, cette séquence a été l’occasion pour le collectif porteur du projet de le présenter aux acteurs locaux, dont les agriculteurs, avec Chloe Tournier, directrice de la Garance, Pascal Servera de Le Citron Jaune – CNAREP, Rodolphe Sabatier agronome à INRAe, Patrice Cayre, sociologue à ORIGENS MEDIA LAB, Nathalie Sautter et Marjorie Carillet du Parc naturel régional des Alpilles, Patrick Courtecuisse et Julie Rigaux du Parc naturel régional du Luberon, et l'Auberge de la Fenière.
Que mangerons nous demain et comment sera produite notre nourriture ?
Pour répondre à ces questions, le projet 𝑨 𝑻𝒂𝒗𝒐𝒍𝒂 ! réunit autour de la table agriculteurs, scientifiques, artistes, élus et habitants pour repenser la résilience agricole et alimentaire dans les Parcs naturels régionaux des Alpilles et du Luberon. Par une démarche prospective mêlant agronomie et art culinaire, cette recherche-action explore les liens entre alimentation et biodiversité à travers des enquêtes sensibles et des repas collectifs pour explorer les « recettes de demain ».
Une mise en récit culinaire
Pour rassembler les protagonistes d’abord « autour du fourneau » puis « autour de la table », 𝑨 𝑻𝒂𝒗𝒐𝒍𝒂 ! utilisera les outils de la mise en scène et de l’art culinaire afin de faciliter le débat et la coopération. Les performances prendront la forme d’installations ou d’ateliers culinaires temporaires, de balades ethnographiques, autant de mises en bouches qui mèneront à un banquet public, associé à une exposition et un documentaire sonore retraçant l’expérience.
Pour Rodolphe Sabatier, qui assurera la coordination scientifique du projet de recherche, il est important que la démarche artistique ne soit pas pensée dans une logique diffusionniste, mais comme un processus faisant partie intégrante de la recherche, permettant ainsi d’impliquer les acteurs afin de faire évoluer leurs regards.
« Un coucher de soleil sur la Durance »
Le projet 𝑨 𝑻𝒂𝒗𝒐𝒍𝒂 ! fait suite au projet « Cuccine(s) » imaginé par Floriane Facchini. Après avoir enquêté auprès de douze agriculteurs de la plaine de la Durance, la restitution de cette initiative s’est concrétisée par un banquet où se mêlèrent plats cuisinés, paroles et portraits d’habitants.
Floriane Facchini s’appuie sur des « narrations culinaires » pour interroger nos relations au vivant, s’attacher au territoire en l’ingérant. Sa pratique nous invite à percevoir « le corps comme empilement du paysage ». Pour cela, elle expérimente plusieurs dispositifs dont les « recettes topiques » (ou « recettes situées ») qu’elle élabore à partir d’enquêtes auprès de paysans, de cueilleurs, d’agriculteurs, etc.
A l’occasion de l’événement de lancement, l’artiste a présenté son œuvre « Un coucher de soleil sur la Durance », une succession de boissons fermentées, vivantes et solaires, à base de kéfir, de fleurs de sureau et d’autres plantes sauvages cueillies le long de la rivière qui irrigue de vie toute la vallée. Ces boissons permettent d’aborder plusieurs sujets comme la cueillette des plantes sauvages mais aussi les pollutions qui affectent l’eau, la biodiversité locale, etc.
En imaginant des « rituels d’attachement », ici par l’acte de boire symboliquement une part de la rivière, il s’agit aussi de renouer avec les interdépendances qui nous constituent pour « célébrer les liens par lesquels nous tenons debout » et restaurer des relations plus respectueuses du vivant.
Rendre la redirection écologique appétissante
Puis, le lancement du projet a permis d’introduire le concept de « redirection écologique » avec Patrice Cayre, sociologue membre d’Origens Media Lab. Selon lui, nous avons besoin « d’actes culinaires pour rendre la redirection écologique appétissante », ce qui implique d’interroger les pratiques agri-alimentaires actuelles pour mieux se projeter demain malgré les renoncements qui s’imposent.
Pour illustrer son propos, Patrice Cayre évoque une « Forêt noire de transition », à base de cacao issu d’une agriculture responsable, d’œufs bio et de produits locaux, qui conserve cependant les principes de l’agriculture conventionnelle. Celle-ci est bien différente d’une « Forêt noire de redirection », revisitée à partir de farines locales de pois chiches et de riz et une crème de noisettes locales, qui recompose nos alliances, implique un renoncement (notamment au cacao), des réaffectations de nos structures et de nos héritages pour adapter les filières.
Le projet se conclura ainsi par un vaste banquet avec la présence de la cheffe étoilée Nadia Sammut (Auberge La Fenière) pour imaginer ce que pourrait être l’« assiette de demain ».
Le rôle des Parcs naturels régionaux
Le Luberon et les Alpilles ont toujours été des territoires historiquement basés sur une agriculture variée. Dans ce contexte et dans la continuité de leurs politiques publiques alimentaires, les Parcs naturels régionaux sont aussi là pour soutenir ce type d’expérience qui vise à penser collectivement les agricultures possibles dans un futur proche, en 2035. L’enjeu après ces deux ans étant d’imaginer un « protocole relationnel » transposable à d’autres territoires, en développant des modalités d’échanges favorables à la coopération entre acteurs.