La Réserve de biosphère de Camargue (delta biogéographique du Rhône qui s’étend sur les régions SUD et Occitanie dans les Bouches-du-Rhône et le Gard) est marquée par un motif environnemental prégnant : le sel. Celui-ci structure l’espace biophysique, compose nombre de raisons d’agir et façonne les relations et intérêts des vivants camarguais entre eux et à leur milieu. Ces dernières années, la salinisation des milieux en lien avec la gestion des périmètres irrigués, le changement climatique et la montée du niveau de la mer a accru les tensions sociales entre usagers (agriculture, saliniers, chasseurs, éleveurs) et gestionnaires des espaces protégés. Le défi est aujourd’hui de déployer une démarche à même de revisiter les systèmes de valeurs, de développer la capacité des acteurs à réfléchir collectivement à ce qui leur arrive, afin de favoriser un changement social et écologique profond.
Dans ce contexte, il est crucial de mettre des mots sur ce qui se produit et va se produire, avec les élus, les habitants et les usagers, pour explorer les possibilités d’adaptation et de transformation des activités et implantations humaines en intégrant les enjeux de biodiversité. Pour cela, le questionnement scientifique du projet est ainsi formulé : si on comprend la transition écologique comme une transformation profonde, quelle recomposition de la biodiversité et des activités humaines découlerait de sa mise en œuvre en Camargue ? Quels récit et dispositif inventer pour dépasser les écueils habituels et enfin s'entendre, s'écouter les uns les autres, avoir une vision du paysage des intérêts en présence (humains et autres qu'humains) ? Comment évoquer les menaces écologiques sans faire violence aux acteurs locaux et intégrer les discours scientifiques, politiques, citoyens, et non humains dans un débat public multisectoriel ?
Le Procès du Sel propose d’ouvrir un nouvel espace de dialogue attractif, autour des relations au milieu, pour transformer les manières d’être et de faire territoire et ainsi s’inscrire dans une nouvelle intendance socio-écologique du territoire.
Cette fiction territoriale consiste à imaginer et mettre en œuvre un procès du sel. L'instruction du procès et son déroulement constituent une fiction prétexte attractive, permettant de faire vivre une négociation entre intérêts divers et visions divergentes sur un même objet géographique. Il est une occasion pour enquêter, rassembler des témoignages, des voix, des besoins, des charges et des défenses et croiser des expertises. Le faux procès est également une manière de projeter des réparations, dans le sens où il ne condamne pas mais propose des trajectoires et des scénarios.