La continuité écologique des cours d'eau est définie par l’Office français de la biodiversité comme la garantie d’assurer le transport sédimentaire et des espèces piscicoles dans les cours d’eau et autres milieux aquatiques. Tout aménagement entravant cette continuité est considéré comme un obstacle par la législation française. Les échanges longitudinaux, latéraux et verticaux entre les composantes du système « cours d’eau » sont en effet garants du bon fonctionnement de l’hydrosystème. La transformation des pratiques d'aménagement des rivières pour restaurer la continuité des cours d’eau est mise à l'agenda politique depuis la loi du 30 décembre 2006 (LEMA) et portée depuis par différentes stratégies nationales étatiques et initiatives locales des collectivités. Néanmoins, leur réseau demeure une mosaïque de milieux fragmentés et la politique de restauration est marquée dans certains territoires par un déficit d’adhésion, que les négociations locales ne parviennent pas toujours à dépasser.
Sur le territoire français, 90 % des obstacles sont estimés ne plus être liés à un usage particulier ou économique, mais ils font partie intégrante d’une norme : la rivière aménagée. Ce paysage omniprésent est désormais remis en cause afin de répondre aux enjeux de biodiversité. Dans le bassin versant de la Loire, malgré l’image « sauvage » dont bénéficie le fleuve, les cours d’eau sont densément aménagés. Recréer des continuités est ainsi un objectif à l’échelle du bassin afin de répondre aux enjeux de biodiversité et de ressource en eau. Alors, pourquoi est-ce difficile de supprimer une entrave à la libre circulation des sédiments et des espèces aquatiques, alors même que cette entrave n’a plus son usage initial ? Pour répondre à ce questionnement, le projet ENTRAVE propose d’accompagner des structures publiques en compétences sur des cours d’eau, sur des situations localisées et des contextes divers, par la création et la mise en œuvre de négociations d’un nouveau genre, capables de dépasser les conflits localisés et de construire des réponses collectives.
Et si ces entraves étaient plutôt des objets culturels qu'il faudrait tenter d'appréhender de la sorte ? Et si la continuité à rechercher n'était pas seulement piscicole ou sédimentaire, mais aussi affective, relationnelle, historique ? Et si l'approche par le paysage pouvait dépasser des conflits focalisés sur des objets construits parfois obsolètes ? ENTRAVE explorera ces hypothèses à partir de situations concrètes, portées par des collectivités et de multiples intérêts en présence, tant publics que privés, humains et autres qu’humains. Le projet propose des expérimentations capables d’accélérer la mise en œuvre des lois existantes et des planifications nationales, tout en explorant des situations locales. Il s'agira dans un premier temps d’enquêter, de partir du terrain, des usages, des représentations, des controverses locales ; dans un second temps de tenter des expériences de mise en présence de ces éléments en s’appuyant sur des outils de scénarisation et de mise en scène de dialogue public, pour générer des situations de négociation potentiellement fertiles et en étudier les productions.