L’amnésie socioculturelle générationnelle de la nature désigne l’oubli progressif des connaissances, des rapports socioculturels (symboliques, cosmogoniques et linguistiques) et corporels (sensoriels, émotionnels) qui instituent un rapport au vivant non-humain sous le mode de la collaboration. Chaque génération prend les dimensions de la nature acquises dans sa jeunesse comme des références « normales ». Or, elles constituent des références dégradées au regard de la tradition culturelle, qui est remplacée par des relations utilitaires à la nature qui découlent de nouvelles connaissances. Cela entraîne des tensions entre savoirs ancestraux et science contemporaine. Le projet Guyarécit repose sur l’hypothèse que l’éducation relative à l’environnement en Guyane doit s’adapter à la diversité des récits sur la biodiversité qui émanent des différentes communautés et diffèrent d’une génération à l’autre, et qu’il est possible d’étudier ces récits en s’intéressant aux expériences de nature des populations.
Constatant que les discours scientifiques autour de la biodiversité entrent en tension avec des représentations traditionnelles en Guyane, le projet Guyarécit questionne la meilleure façon de prendre en compte cette diversité de représentations des différentes générations et communautés culturelles dans l’éducation relative à l’environnement. De cette façon, il vise à rendre possible la mise au jour de ce qui freine les actions des différents acteurs de l’éducation relative à l’environnement, de façon à transformer leurs pratiques pour les rendre plus efficaces.
Le territoire guyanais se caractérise par une taille conséquente et par la difficulté d’accès à certaines communautés relativement isolées. Pour atteindre ses objectifs, le projet porte donc sur les communes urbaines et péri-urbaines du littoral. Il fait l’hypothèse que le phénomène d’amnésie socioculturelle générationnelle de la nature y est amplifié par rapport aux communes de l’intérieur. Les trois grands groupes culturels de Guyane, Créoles, Businenge et Amérindiens sont par ailleurs représentés sur le littoral et l’on y rencontre une plus grande mosaïque de cultures et de langues.
Le projet recueillera des récits sur la biodiversité auprès d’Anciens et de jeunes issus des diverses communautés guyanaises, ainsi qu’auprès des acteurs de l’éducation relative à l’environnement. La comparaison de ces récits permettra de relever des tensions, voire des oppositions, afin d’en faire un moteur de réflexion sur la difficulté à partager une représentation commune de la biodiversité et de sa protection. Enfin, le projet permettra une valorisation à la fois scientifique et artistique des représentations prospectives des acteurs rencontrés. La valorisation universitaire se compose d’un cycle de conférence, rendant compte des différents travaux de terrain réalisés et valorisant la dimension participative des populations, d’une journée d’étude pluridisciplinaire et de publications scientifiques. La valorisation artistique auprès du grand public et des décideurs prendra la forme de pièces sonores sur les relations que les peuples de Guyane entretiennent avec leur milieu de vie et la production d’un glossaire de la biodiversité guyanaise, qui illustrera la multiplicité des manières de la raconter.