La stratégie nationale biodiversité ambitionne que 10 % du territoire national soit concerné par un dispositif de protection forte à l’horizon 2030, principalement dans des territoires ruraux traversés d’usages et d’activités souvent contradictoires avec l’idéal qui accompagne une telle protection, notamment en forêt. Parallèlement, de plus en plus d’associations citoyennes se saisissent d’outils participatifs pour protéger des écosystèmes préservés et apprendre à mieux les connaître, parfois en collaboration avec les élus des communes forestières ou avec des propriétaires. Il serait ainsi judicieux de coordonner ces efforts de protection à l’échelle de territoires qui mêlent vies humaines et non-humaines, et d'explorer des modèles de protection qui intègrent une gouvernance collective et locale, telle que la « conservation conviviale » qui mêle apprentissage de la cohabitation avec le vivant et participation démocratique.
Les dispositifs combinant protection forte et gouvernance par le bas, évitant les écueils d’une protection sans ancrage local ni appropriation habitante, restent encore largement à inventer. Le projet Retour vers la forêt future propose ainsi la création de « Comités forestiers locaux » qui mailleront le territoire et s’inscriront dans une logique de conservation conviviale en inventant des formes de coexistence entre humains et non-humains. Ces comités s'appuieront sur des structures territoriales existantes tels que les biens de section forestiers, ancrés dans la mémoire locale et dont la revitalisation pourrait favoriser une gestion partagée des forêts, mêlant usage et protection. Par leur biais, il s’agit d’interroger comment la biodiversité est considérée par les ayants-droits des sections, les élus et les forestiers qui en récupèrent l’usage, mais également d'explorer si la mémoire locale de ces biens peut être réactivée dans le sens d’une conservation conviviale, voire si les efforts pour les conserver peuvent étendus à d’autres forêts.
La narration qui accompagne le projet relèvera deux défis : d’une part, articuler l’histoire locale de la biodiversité forestière et des forêts collectives (parmi lesquelles les sections de communes) ; d’autre part, restituer le passé, le présent et imaginer les futurs de ces territoires forestiers de façon originale avec leurs habitants. Les devenirs à narrer concerne tant des « systèmes » (sections, forêts, eaux…) que des « individus » (arbre, habitant, oiseau, mammifère, etc.). La recherche-action sera ainsi mise en récit à travers une œuvre numérique immersive et participative, La forêt des hyperliens. Fondée sur la construction d’une arborescence poétique qui se déploiera au fur et à mesure de l’avancée du projet, elle proposera une expérience permettant de se promener dans les forêts concernées par le projet. Elle restituera la conscience d’une coexistence avec les non-humains et les nouvelles alliances démocratiques nouées pour les protéger. L’objectif est ainsi de susciter le sentiment d’un espace et d’un destin communs pour donner l’envie de s’y impliquer.